Jésus, le crucifié-ressuscité, nous
précède en Galilée !
Par P.
Bruno CADART, curé-doyen de Champigny, ancien médecin, employé comme
aide-soignant à plein temps dans la lutte contre le coronavirus comme bénévole
dans un EHPAD à Villiers-sur-Marne, a bien voulu partager avec nous sa
méditation pascale. Merci à lui.
Frères et sœurs,
Nous aimerions pouvoir
ressentir toute la joie de Pâques, l’exubérance de la vie, des enfants qui courent, jouent,
éclatent de cris et de rires. Avec ce printemps où la nature se pare de toute
sa beauté, nous aimerions nous laisser toucher par la joie des amoureux de tous
âges. Nous aimerions enfin sortir du tombeau avec le Christ. Il nous tarde de
sortir du confinement, des bilans quotidiens du nombre de nouveaux malades ou
morts. Nous voudrions être rassurés sur l’avenir immédiat, savoir quand et
comment tout cela va prendre fin. Dans ce contexte difficile, peut-on vraiment
croire, ressentir, exprimer, célébrer la joie de la résurrection ?
Une fois encore, nous sommes
appelés à la conversion :
le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu que nous proclamons, auquel nous croyons,
n’est pas un Dieu « Superman » ou « Mac Gyver », à la fois « Père fouettard
sanguinaire » et « Dieu magique » qui ferait échapper à la condition humaine.
Quelle tristesse profonde quand je vois certains d’entre vous relayer des
messages internet de personnes prétendant avoir eu des révélations directes de
Dieu présentant ce type de Dieu ! Frères et sœurs, soyez croyants, non pas
crédules et ne véhiculez pas ce type de message qui n’ont rien à voir avec
notre foi.
Tout au long du temps pascal,
méditons jour après jour la Parole de Dieu que l’Église nous propose pour savoir reconnaître le
Christ ressuscité qui vient nous rencontrer, nous saluer même, nous saluer
chacun, chacune, personnellement. (…)
Dans l’Évangile de la Veillée
Pascale, Saint
Matthieu nous présente une résurrection spectaculaire, avec tremblement de
terre et intervention d’un ange qui précède la rencontre de Jésus. Mais le
message qu’il délivre est bien moins spectaculaire. Il y aurait beaucoup à
méditer à partir ces quelques lignes.
Je retiens d’abord cet appel de l’ange, du « messager de
Dieu » qui résonne de manière particulière dans cette crise du Coronavirus et
qui n’est en aucun cas une promesse de ne pas être contaminé : « Vous, soyez
sans crainte ! » Autrement dit : même dans la tempête, gardez la paix qui vient
de l’Esprit Saint, de ceux qui vivent la communion avec le Christ, qui
n’ont pas peur d’être serviteurs.
« Je
sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est
ressuscité »
Le ressuscité continue d’être le crucifié, et les
disciples, continueront de vivre dans un monde marqué par la maladie, la
souffrance, la mort, et même les persécutions. Mais c’est là qu’ils seront
appelés à se laisser rencontrer par le Crucifié Ressuscité, à vivre les
épreuves qui font partie de la vie humaine en étant habités par la présence du
Christ, animés par l’Esprit Saint qui n’est pas un esprit de peur mais un
esprit de force et d’amour.
Jésus ne réserve pas cet
Esprit de force et d’amour aux chrétiens.
Ces jours-ci, nous sommes touchés par le témoignage
(μαρτυρία, martyre, en grec) du Docteur Ali DJEMAOUI, médecin au Bois l'Abbé et
mort le 2 avril, en tenue de service, atteint par le coronavirus.
Le Pape François parlait de l’œcuménisme du sang des
martyrs.
L’unité entre les croyants de toutes confessions et avec
les hommes de toute opinion se donne à contempler aujourd'hui dans l’engagement
de tant d’hommes et de femmes au service de leurs frères. A travers lui, nous
saluons tous ceux qui donnent leur vie au service des autres.
Je suis bouleversé par la
manière dont Jésus s’approche des femmes qui sont allées de grand matin au
tombeau, mais
aussi de la manière dont Jésus s’approche de chacun de nous : il parle aux
femmes, il nous parle à chacun, chacune, comme nous nous adressons à Marie,
mère de Dieu et notre mère : « Je vous salue … »
Il ne se contente pas de les rencontrer, de les saluer
mais il leur donne la mission de porter la nouvelle au monde, de porter Jésus
crucifié ressuscité au monde :
« Soyez sans crainte, allez
annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me
verront. »
Frères et sœurs, nous ne sommes envoyés pour annoncer ni
un Dieu vengeur ni un Sauveur magique, mais nous sommes appelés à rejoindre
nos frères en Galilée, au cœur du monde pour voir le Christ vivant, pour
nous laisser rencontrer par le Ressuscité qui n’en finit pas d’être le
Crucifié, celui qui donne sa vie par amour et nous appelle à le suivre sur ce
chemin.
Notre
semaine sainte a été totalement différente des semaines saintes des autres années. D’un côté, elle a
été « triste » du fait d’abord de la souffrance de l’humanité, de la maladie,
de la mort si présente, des conséquences en termes de confinement, de chômage,
des conséquences pour les plus fragiles, en France et dans les pays plus
pauvres. Nous avons ressenti douloureusement cette impossibilité de nous
réunir, de crier « Hosannah » dans des églises combles, de nous retrouver au
palais des sports de Créteil pour refaire l’expérience d’être un corps envoyé à
tous, en particulier aux malades, à ceux qui allaient être baptisés.
Nous n’avons pas pu nous asseoir ensemble à la table de
l’Eucharistie et laisser Jésus nous laver les pieds dans la messe du Jeudi
Saint. Nous n’avons pas pu embrasser ensemble la croix et crier sa victoire le
Vendredi Saint. Nous n’avons pas pu vivre la Veillée Pascale. Pourtant, je ne
sais ce qu’il en est pour vous, mais je ressens comme jamais le lien qui
unit les disciples du Christ ensemble et à tous les hommes. Le manque nous
fait ressentir plus fort la soif des sacrements. Tous ceux qui lisent la Parole
de Dieu chaque jour, encore plus quand ils ont fondé des "Maisons
d'Evangile" internet, perçoivent de manière renouvelée toute sa
force. Pour moi, je n’ai jamais ressenti si fort le lien entre la fête des
Rameaux, le jeudi saint, le vendredi saint, le samedi du silence de Dieu, et le
jour de Pâques.
Depuis quelques jours, je travaille comme aide-soignant
à l’EHPAD « le Vieux Colombier » à Villiers-sur-Marne. C’est vrai auprès de
chaque malade, mais je l’ai perçu plus encore auprès d’une femme très âgée,
totalement grabataire, aveugle, murmurant seulement des « merci » quand nous lui
faisons la toilette ou lui donnons à manger. J’ai ressenti très fort la joie
de la résurrection, de la rencontre du Crucifié Ressuscité, de la force de la
présence divine, que dans la rencontre de cette femme et de tous les autres
malades, ou dans l’accueil des familles en deuil que nous continuons
d’accompagner pour les obsèques. Ce n’est pas une joie « bling bling », mais
une joie soufferte qui ne passe pas.
Frères et sœurs, je vous
invite à recevoir chacun, chacune, pour vous, ces paroles de Jésus : « Je te
salue… Je vous salue… » et de le laisser nous envoyer à nos frères en Galilée,
au milieu du monde.
En reprenant ces paroles, c’est aussi une manière d’évoquer notre évêque
émérite le Père Daniel Labille, dont c’était la devise épiscopale, et qui est
lui-même hospitalisé. A sa manière, il continu son ministère au milieu des
malades et de ceux qui le soignent. Nous pensons aussi au Père Michel Santier,
lui-même malade et à tous les malades de nos familles, de notre entourage.
Mardi Saint, jour habituel de la messe chrismale, Le Père Labille a appelé le
Père Santier pour dire qu’il pensait à nous et nous remerciait de nos prières. Tous,
quels que soient notre âge, notre situation, (personne confinée, malade, ou au
travail), tous et chacun, nous sommes invités à vivre ce moment en témoins du
Crucifié Ressuscité. Nous ne le ferons pas avec nos propos forces, mais en
laissant l’Esprit Saint nous rejoindre dans notre faiblesse.
Alors, oui, Alléluia, Christ
est vraiment ressuscité, il est vivant !
Très
bonnes fêtes de Pâques à chacun de vous !
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