Le long évangile que nous venons
d'entendre est l'un des trois, avec celui de l'aveugle-né dimanche
prochain, et celui de la résurrection de Lazare le dimanche d'après,
qui sont essentiels pour le parcours des catéchumènes qui vont être
baptisés à Pâques. Ils parlent tous des dons de la foi :
l'eau vive, la lumière, et la résurrection.
Regardons attentivement ce texte. Jésus
est fatigué par la route, et à midi dans ce pays, il fait chaud ;
il a soif. Il s'assied alors au bord de l'un de ces puits qui
jalonnent les pays désertiques et qui sont utilisés pour faire
boire humains et troupeaux.
Une femme s'approche, et Jésus lui
demande à boire. Aussitôt, c'est la surprise : un juif parle à
une femme seule (ça ne se faisait pas à l'époque : première
transgression), et de plus une Samaritaine, c'est à dire une
«mécréante » (deuxième transgression). Oui, Jésus ne fait
pas de différence, il s'affranchit des codes sociaux pour
s'adresser à tous, sans exception, quel que soit notre état.
Et Jésus renverse la proposition « Si
tu savais le don de Dieu », c'est à dire « si tu
connaissais Dieu ». Mais la femme reste sur sa vision pratique
(les femmes ont toujours un sens pratique), et s'étonne « tu
n'as rien pour puiser » (en sous entendu, moi, Samaritaine,
je ne vais quand même pas puiser moi-même de l'eau pour un
juif !). Mais Jésus parle d'eau vive, et elle trouve intéressant
certainement (encore le sens pratique!) de ne plus avoir à puiser :
« Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a
donné ce puits ? » Voila une proposition qui mérite
intérêt.
Alors Jésus développe : « Tout
homme qui boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui
boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; et
l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour
la vie éternelle ».
Deux révélations dans ce texte :
Jésus propose une eau qui étanche la soif, et qui de plus devient
« source jaillissante » pour toujours. C'est
formidable !
La femme est alors
convaincue : « donne-la moi cette eau ; que
je n'ai plus soif, et que je n'aie plus à venir ici pour puiser ».
Son sens pratique emporte son adhésion !
Jésus alors change de registre et de
sujet : « Va, appelle ton mari, et reviens ».
Un autre dialogue s'engage sur la vérité de la vie de cette femme,
qui avoue « je n'ai pas de mari », et Jésus lui
révèle sa vérité, une vie en dehors des règles ! La femme,
bouleversée reconnaît alors Jésus comme un prophète.
S'engage alors un dialogue sur la
« vraie » religion. La Samaritaine, ayant sous la main
(si je puis dire) un prophète va chercher à résoudre le problème
qui subsiste entre les Juifs et les Samaritains à cette époque :
où faut-il adorer Dieu ? Au Temple de Jérusalem ou à côté
au temple des samaritains, proche de Sykar ? Question cruciale,
n'est-ce pas ?
Cela me fait penser à certaines
polémiques sur certaines de nos pratiques liturgiques :
célébrer face ou dos au peuple ? vers l'Est ? Communion
dans la main ou dans la bouche ? Génuflexion ou inclinaison
profonde ? Jésus répond : les vrais adorateurs sont
ceux qui « adoreront le Père en esprit et vérité ».
Mais Jésus rappelle la vraie religion : « le salut
vient des Juifs ».
La Samaritaine, malgré sa vie
dissolue, est en recherche de vérité, et elle sait que le Messie
« fera connaître toutes choses ». La conclusion
de ce dialogue riche est la révélation suprême que Jésus est le
Messie !
La femme alors laisse sa cruche, c'est
tellement formidable ce qu'elle vient de comprendre que déjà sa
soif est étanchée, et qu'elle ne peut garder pour elle ce qu'elle
vient de comprendre. Elle devient elle-même « source ».
De « disciple », elle devient « apôtre », et
court à la ville pour annoncer cette bonne nouvelle, à tel point
que les gens sortent et « se dirigeait vers Jésus ».
Le parcours de cette samaritaine, le
chemin qu'elle parcourt avec Jésus, c'est ce chemin que Jésus
propose à chacun de nous. C'est une parabole de notre vie. Le chemin
de conversion de cette femme, c'est le chemin auquel nous sommes
invités à accomplir pour notre conversion, pas à pas.
Si nous sommes vraiment « disciples »
du Christ, alors nous devons vraiment devenir « apôtres »
et partager avec d'autres le trésor que nous avons découvert :
la Foi en Jésus-Christ. Evangéliser, c'est partager notre
expérience de foi avec autrui.
Alors mettons-nous en route, buvons à
la source de vie, et n'ayons pas peur de partager notre foi.
Et si vous voulez vous désaltérer, il
reste encore quelques places à la Semaine de Prière accompagnée
qui débute dimanche en huit ; Jésus est là, au bord du puits,
et il vous demande à boire.
Bonne continuation de Carême.
Amen
Jean-Pierre Baconnet, diacre permanent