Les mardis de Santeny - 26 novembre 2013 – Nos raisons d’espérer


Intervention de Jean-Paul :
L'état du monde perçu au travers des rencontres dans les CCAS ou dans les accueils du Secours Catholique inciterait plus au désespoir et au découragement qu'à l'espoir, parce que tous les voyants institutionnels sont au rouge. Les statistiques concernant la pauvreté, la solitude, le mal logement, les SDF, les migrants montrent une aggravation des situations de précarité et une multiplication de ces situations.
L'espérance qui nous porte n'est pas du domaine de la raison. « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance », fait dire Péguy à Madame Gervaise. Parce que notre Dieu est le Dieu de la promesse, c'est cette promesse qui nous porte. C'est une manière d'être dans le monde sans être du monde. C'est vivre notre prière « Que ton règne vienne ! »
Voici deux petites histoires parmi d'autres :
La première est celle d'une famille malienne, vivant à 6 dans un studio. Lorsque cette famille est proposée devant une commission d'attribution de logements, le rapporteur descend le dossier : revenus trop élevés pour un HLM, absence de titre de séjour de l'épouse, surpopulation : 6 personnes dans un T3. Il est clair que la demande sera rejetée et qu'il n'y a pas d'espoir. Au cours de la discussion qui suit, je réponds point par point et fait appel au rôle social d'un bailleur HLM). Contre toute attente la décision ne sera pas négative. Ce sera un report avec des conditions à remplir (rétablissement des vraies ressources, titre de séjour), a priori difficiles à tenir. Alors avec un nouvel espoir, on se lance dans un combat en mobilisant les décisionnaires, en faisant appel à l'occasion à leur humanité. Et pour y avoir cru et conservé l'espoir d'y arriver, la famille obtiendra ce logement.
La seconde est celle de Sovhannya. Elle arrive en France à 25 ans, en 2007. Elle fuie la guerre civile du Sri Lanka qui oppose les Tamouls du nord et le gouvernement cingali du Sud. Elle a perdu son père dans des bombardements. Sa sœur, recrutée par les tigres tamouls et tuée dans les combats. Seule sa mère survit. Elle est ensuite recherchée par les rebelles pour être à son tour enrôlée dans les forces tamoules. Elle fuit au Sud, où elle est soupçonnée d'être un agent tamoul infiltré. Harcelée par les militaires, elle subit des violences et décide de fuir. Elle arrive en France où elle demande l'asile politique. Elle séjourne en hôtel à Santeny dans une assez grande promiscuité, puis heureusement au CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile), de Boissy. Suivent un peu plus de deux ans et demi de solitude : celle d'une jeune femme, seule dans une petite chambre, n'ayant plus aucun lien familial, dans un pays dont elle ne parle pas la langue. Mais pendant toute cette longue période avec tous ceux qui, de prêt ou de loin l'accompagnent, médecins, psychologues, travailleurs sociaux, avocat, bénévoles de France Terre d'Asile ou du secours catholiques, elle a toujours continuer d'espérer. Pendant tous ces mois, tous ceux là ont partagé son espérance en dépit de tous les obstacles, de tous les jours sombres, de toutes les nuits de pleurs et d'insomnie. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) lui oppose un refus de séjour. À l'espoir succède de nouvelles angoisses. Il faut tout recommencer : appel de la décision de l'OFPRA auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile. Nouvelle attente, et en même temps, nouvel espoir. Après une audience à huit clos, compte tenu des violences passées subies, la Cour acquiesce à sa demande. Dès lors, elle s’en va vers sa nouvelle vie ; mais elle n’est plus seule. Elle tient bien par la main cette petite fille espérance, chère à Péguy. Et de l’espérance elle en a encore besoin. Car lorsque le statut de réfugié est obtenu les difficultés redoublent :
- trouver un logement compatible avec les seules ressources du RSA,
- améliorer la compréhension et l'expression du français,
- se marier avec le père de l'enfant qu'elle attend.
Justement, le père de son enfant, tamoul également, est un demandeur d'asile débouté et donc maintenant sans papier. Ne pouvant obtenir certains documents d'état civils nécessaires à son mariage en France, l'administration refuse ce mariage. Mais finalement une intervention auprès du maire, sa compréhension permettent ce mariage. Devant ce vécu fait d'angoisses et de confiance résonne pour moi le mystère de vie, de mort et de Résurrection vécu par le Christ. Dans ses derniers moments Celui-ci entonne le psaume 21 :
“Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”
Mais ce psaume traduit évidemment l'angoisse de l'échec, mais se termine par des paroles de victoire : “On annoncera le Seigneur aux générations à venir. On proclamera sa justice au peuple qui va naître.” Cette espérance ne porte pas à rêver, elle nous tire en avant. Elle me conduit à vouloir un monde de justice et de paix et une église qui en soit à la fois le témoin et l'acteur. Cette Espérance est un cadeau qui aide à vivre. Elle est partage. Partage au cours des rencontres et des accompagnements, partage aussi avec ceux qui dans des contextes différents avec des responsabilités bien plus importantes témoignent de leur espérance.
Ces témoins rencontrés ont été pour moi de véritables messagers de l'Espérance. Il y en a de multiples parmi lesquels il est difficile de choisir ceux qui ont le plus marqué.
  • Michel Albert, Jean Boissonnat, Michel Candessus, rencontrés aux Semaines Sociales qui publient en 2002 un livre :« Notre foi dans ce siècle » où ils évoquent le concept d'Utopies à Réalisation Vérifiable : Utopies, parce qu'il faut accepter de risquer du neuf, à Réalisation Vérifiable, parce que on ne veut pas vendre du rêve.
Cette vision est en harmonie avec ce que peut être vécu concrètement au CCAS ou au Secours Catholique. Elle répond aussi à ce que dit Jésus en St Luc : « Le royaume n'est pas là-bas, ou ailleurs, il est au milieu de nous » (Lc 17,20).
  • Plus prêt de nous : Christian Favier, président communiste du Conseil Général. En 2010, il est invité à la session des semaines sociales : « Migrants, un avenir à construire ensemble ». Voici ce qu'il dit : « Chacun de ces mots est porteur d'espoir et marqué du sceau de quelque chose que je crois indispensable, pour porter un regard un peu ouvert, se projeter vers un avenir de progrès humain, je veux parler de la confiance. Confiance qui fait que chacun regarde l'autre dès avant de le connaître comme son frère, comme sa sœur en humanité, proche, égal. Confiance qu'ici nous partageons, faite pour les uns de leur foi chrétienne, pour les autres d'une espérance constituée de valeurs et d'idéaux. »
  • Enfin le pape François, avec ses paroles d'Espérance pour l'Église, quand il parle d'aller aux périphéries, de l'Église, de soigner… : « Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures... Il faut commencer par le bas. L’Église s’est parfois laissé enfermer dans des petites choses, de petits préceptes. Le plus important est la première annonce : “Jésus Christ t’a sauvé !” Les ministres de l’Église doivent être avant tout des ministres de miséricorde. Le confesseur, par exemple, court toujours le risque d’être soit trop rigide, soit trop laxiste. Aucune des deux attitudes n’est miséricordieuse parce qu’aucune ne fait vraiment cas de la personne. Le rigoureux s’en lave les mains parce qu’il s’en remet aux commandements. Le laxiste s’en lave les mains en disant simplement “cela n’est pas un péché” ou d’autres choses du même genre. Les personnes doivent être accompagnées et les blessures soignées. Comment traitons-nous le peuple de Dieu ? Je rêve d’une Église mère et pasteur. Les ministres de l’Église doivent être miséricordieux, prendre soin des personnes, les accompagner comme le bon Samaritain qui lave et relève son prochain. Cet évangile est pur. Dieu est plus grand que le péché. Les réformes structurelles ou organisationnelles sont secondaires, c’est-à-dire qu’elles viennent dans un deuxième temps. La première réforme doit être celle de la manière d’être. Les ministres de l’Évangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de dialoguer et cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. Le peuple de Dieu veut des pasteurs et pas des fonctionnaires ou des clercs d’État. Les évêques, particulièrement, doivent être des hommes capables de soutenir avec patience les pas de Dieu parmi son peuple, de manière à ce que personne ne reste en arrière, mais aussi d’accompagner le troupeau qui a le flair pour trouver de nouvelles voies. Au lieu d’être seulement une Église qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, efforçons-nous d’être une Église qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent. Parfois celui qui s’en est allé l’a fait pour des raisons qui, bien comprises et évaluées, peuvent le conduire à revenir. Mais il y faut de l’audace, du courage. »

Intervention de Yann :
J’ai grandi à Marolles et, après des études dans le conseil en entreprise, à 33 ans, je viens de créer une entreprise en finance participative. Pourquoi « participatif », parce que c’est ce qui concerne la création de liens avec des gens qui ne se connaissent pas et qui à travers un projet désirent accorder leur soutien à d’autres. A travers une plateforme internet, on réunit les différents acteurs, les demandeurs et les proposants. Dans ce qu’on appelle le crowdfounding il y a trois formes d’engagement financier : le don, le prêt et puis l’investissement, sous la forme de ce que je développe.
Ce qu’il y a de novateurs, c’est que cette finance participative est actuellement fortement impulsée par internet. Sur différents sites web ou dans le cadre de réseaux, on peut avoir accès à des plateformes qui proposent des dons, par exemple pour soutenir la publication d’un livre ou d’un projet. Cela peut aussi être une activité de prêt.
Ce que je propose, à l’exemple de ce qui est en plein essor actuellement dans de nombreuses régions du monde, c’est de financer et donc d’investir pour soutenir des activités entrepreneuriales. Avec des montants modestes, je peux alors sélectionner, à travers internet et à travers la plateforme, les entreprises vis-à-vis desquelles j’ai envie de proposer mon investissement. Grâce à internet, je peux aussi avoir un vrai contact avec l’entrepreneur, un contact sous forme d’échange virtuel qui dans certains cas peuvent devenir des rencontres : il me tient au courant, il me parle de ses difficultés, je lui fais des suggestions, bref nous co-construisons son projet. Cela représente un engagement de la part de celui qui décide d’aider l’entrepreneur à la recherche de fonds dans un domaine en relation avec des entreprises à caractère social ou environnemental ou investies dans le développement local. On ne soutient pas des envies de faire du business pour le plaisir de faire du business. De même, on ne se contente pas de donner des fonds et d’attendre les retours sur investissements, on assure un certain suivi, avec des échanges, une mise en lien avec le porteur du projet que l’on peut aider de conseils.
Ce mode de financement représente une démarche volontaire, en correspondance avec une éthique personnelle mais c’est aussi un choix correspondant à ma conviction qu’il s’agit là d’une forme de développement potentiel pour l’économie et donc pour l’emploi. Il sert à créer du lien entre ceux qui ont des moyens mais voudraient bien avoir une traçabilité de leurs investissements, en adéquation avec une forme de projet social et solidaire, et ceux qui cherchent des financements pour développer un projet. Grâce à cette utilisation de l’épargne participative, je donne du sens sous forme d’un engagement parce que je déclare avec qui je me sens en phase pour effectuer cet investissement.
Un grand nombre de projets concernent le domaine des activités vertes, la construction, la production d’énergie, de produits verts. Ce marché est actuellement en forte croissance. En France il y a plus de 500 000 internautes pour plus de 60 000 plateformes et l’activité est développée aussi bien aux USA qu’en Chine, en Afrique.
Pour moi, cela représente un signe évidemment d’espérance dans le domaine de l’économie.

Intervention de Christophe
La communauté se San Egidio a été fondée dans la suite de 1968, période fructueuse, de la remise en cause des modèles de croissance économique mais aussi période de contestation des pouvoirs politiques et sociaux installés incapables de répondre aux défis mondiaux, comme les guerres ou la pauvreté. D’abord, ces jeunes d’une vingtaine d’années, désireux de mettre en pratique l’Evangile dans la vie de tous les jours, ont fondé une petite association proche d’une pratique religieuse, investie dans l’aide aux plus pauvres dans la banlieue de Rome : c’est le mouvement de l’Ecole de la Paix. Vite remarqué et faisant de nombreux adeptes, cette association laïque a été précocement reconnu par le Vatican, comme mouvement laïc de l’Eglise. L’objectif est de remettre l’homme au centre de nos démarches. Notre action est tournée vers les plus pauvres avec une action bénévole des adhérents qui se matérialise par de l’aide aux personnes défavorisées, l’aide au devoir pour les enfants, l’aide aux personnes âgées isolées, des rencontres festives, comme à Noël. Notre projet est de changer le monde en changeant les cœurs, en développant des réseaux d’amitiés, en développant la rencontre pour bannir les replis communautaires. Notre communauté s’est aussi beaucoup investie en Afrique notamment dans l’accompagnement de la lutte contre certains fléaux comme le SIDA. L’association joue un rôle important depuis 1968 auprès des conférences internationales avec comme objectif de créer une opinion internationale qui replace l’autorité de la parole des hommes en effaçant les idéologies. Il y a une conviction que les idéologies ont été responsables des conflits au cours du 20ème siècle. San Egidio a l’ambition de redonner l’espérance qui repose sur la capacité de rêver, à la façon des mots de M.L. King, « I did a dream »… La crise écrase l’homme qui ne sait plus et n’a plus la capacité de rêver. Et dans la crise, je trouve dans l’autre la cause de mon échec, l’autre est responsable de l’échec de ma vie. San Egidio veut travailler sur l’amélioration du regard de l’homme pour l’autre. L’autre doit être un partenaire et c’est à travers le dialogue que l’on peut rétablir la confiance dans l’autre. La raison d’espérer repose sur la capacité à changer mon idée de l’autre. San Egidio intervient comme intermédiaire dans de nombreux conflits, en Palestine, au Mozambique… l’objectif est de développer d’engrenage de l’espérance.

Intervention d'Anne 
Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni d’entreprendre pour espérer.
Espoir ou espérance ? Les deux mots sont très voisins, ne différant que par un suffixe qui est dans espérance et qui manque dans espoir. Espoir est le substantif du verbe espérer. Espérance (apparaît au XII° s.) dérive du participe présent ; c'est l'état de l'âme de l'espérant. Une forme d’action, de volonté.

Pourtant, l’espérance semble contredite par les grands schémas de notre monde moderne. Au cœur de l’information quotidienne dans sa course effrénée au coup médiatique, la place de l’espérance semble cruellement faire défaut.
Prenons quelques informations glanées ce 26 novembre :
- Dominique Voynet clame qu’elle renonce à se présenter à un nouveau mandat à la mairie de Montreuil. Ramzi Hammadi soutenu par elle à la députation, se présente contre elle. Que penser ? Luttes de pouvoirs au sein même de la gauche, sa famille politique ? Manifestation du machisme si fréquent en politique ? «Je ne suis pas prête à gagner à tout prix. Même pour être réélue, je refuse de faire alliance avec des personnes dont je ne partage pas la façon de faire de la politique et avec lesquelles je m’éloignerais de mes valeurs et de mes convictions», dit-elle dans des termes désespérés.
- Le même jour, on entend parler de crise des producteurs de fruits dans le Vaucluse, qui n’arrivent plus à vendre et sont prêts à donner leurs produits aux Restos du Cœur alors qu’au même moment on apprend qu’il y a disparition du programme européen d’aide alimentaire qui venait au secours de près de 18 millions de personnes.
- Et puis, ces problèmes de société, la question du harcèlement à l’école, les chroniques du procès des tournantes où des petits voyous ont été presque innocentés dans une banalisation de la violence faite aux femmes.
On cèderait facilement au découragement, au dégoût, au désespoir face à ces nouvelles…
Parallèlement, le monde des découvertes techniques ne cesse à la fois de nous étonner, de nous procurer de l’espoir en vue de guérir nos maladies mais en même temps en susciter de nouvelles en repoussant ce qu’on appelle l’espérance de vie. C’est comme croire qu’à tout prix on peut avoir un enfant, quel que soit l’âge, repousser sans cesse les limites grâce à la magie de la technique, comme s’il s’agissait d’aller sur la lune, de traverser des continents à très grande vitesse, d’avoir des robots qui nous simplifient semble-t-il la vie, d’être sans cesse connectés, etc.
Enfin, nous nous sentons de plus en plus petits, soumis, impuissants face aux grandes puissances, au capitalisme financier, aux lois du marché mondialisé, au monde dématérialisé. Nous avons le sentiment n’avoir plus aucune prise possible et que toute révolte sera sans effet.
« Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne, Moi-même. Ça, c'est étonnant. Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se passe et qu’ils croient que demain ça ira mieux. Qu’ils voient comme ça se passe aujourd'hui et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin. Ça c'est étonnant et c'est bien la plus grande merveille de notre grâce. Et j’en suis étonné moi-même», fait dire Péguy à Dieu.
Alors, en quoi notre monde peut-il être source d’espérance ?
Pour Teilhard de Chardin, le fait que le monde est mouvement, qu’il n’est pas inerte est en soi une source d’espérance : «Je crois que l'Univers est une Evolution. Je crois que l'Evolution va vers l'Esprit. Je crois que l'Esprit s'achève en du Personnel. Je crois que le Personnel suprême est le Christ-Universel.» Pour lui, l’homme, par sa présence, donne une direction et un sens ...
Plus modestement, nous connaissons tous des passeurs d’espoir, comme Jean-Paul, Yann, Christophe, non seulement ceux qui s’efforcent de faire passer une information positive mais aussi déploient une énergie pour montrer des initiatives locales, dans l’économie, le social, l’aide, le partage des décisions... sans compter tous les gestes qui passent inaperçus. Alors il ne faut chercher à trouver le monde en lui-même, comme porteur d’espérance, mais des hommes, dans le monde. Pour autant, peut-on fonder une espérance sur de telles initiatives ?
Bernanos disait : «L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance». (La liberté, pour quoi faire ? Gall. Idées 1953, p. 107)

Comment parler de l’espérance au risque de l’Évangile ?
Partons des pèlerins d’Emmaüs : ce sont des gens de bonne volonté, écrasés par le poids de l’histoire de leur temps, anéantis par ce qu’ils ont vécu. Ils avaient placé leurs espoirs dans un changement rapide … nous sommes tous un peu comme eux ... et pourtant ils se mettent en chemin et comprennent qu’ils sont ici et maintenant en présence du Christ vivant.
L'espérance a aussi à voir avec le renoncement à la maîtrise, en un temps où la technique fait reculer à grande vitesse les limites de ce qui était longtemps considéré comme inévitable ... donc, c'est difficile aussi pour nous d'y accorder de l'importance, sauf quand nous prenons conscience de la perte, du deuil ...

Par ailleurs, comment interpréter le cri du Christ en croix ? Jacques Loew, proche du pape Paul VI affirmait ne pas comprendre le cri du Christ sur la croix ; ici, le Christ nous parle de sa foi qui inclut le doute et il en devient tellement déculpabilisant pour nous qui pouvons nous dire : « quoi ? même lui !! ». Alors, cela nous aide à assumer notre condition humaine jusqu’au bout et en même temps, c’est aussi le cri du basculement vers la résurrection. Le Christ fait le choix de dépasser cela en se reposant sur Dieu. Dans cette perspective, cela offre, à travers le Nouveau Testament, un nouveau rapport à l’histoire. La Révélation est pour tous, même ceux qui n’en ont pas connaissance, cf. Vatican II.
Alors, ce qu’il fait qu’il y a des raisons d’espérer :
  • nous avons toujours en nous les ressources pour donner, nous avons toujours en nous de l’humain. Quoi de plus grand que de donner quand on est pauvre ! Prenons l’exemple du mouvement Emmaüs qui naît, en novembre 1949, de l’initiative de l’abbé Pierre. Il s’agit d’aller à la rencontre des plus démunis. Dans sa rencontre avec un ancien bagnard, désespéré suicidaire, l'abbé lui affirme : "Je ne peux pas t'aider, mais toi, tu peux m'aider à aider les autres". Georges Legay devient ainsi l l e premier compagnon d’Emmaüs. «Agir pour que chaque homme, chaque société, chaque nation puisse vivre, s’affirmer et s’accomplir dans l’échange et le partage, ainsi que dans une égale dignité» (extrait du Manifeste universel).
  • C’est l’incarnation de la charité. Paul dans l’épitre aux Corinthiens proclame le triptyque : :: foi, espérance et charité, car « la charité croit tout, espère tout, endure tout avec constance ».
  • Pour terminer, évoquons cette phrase de Gandhi : « un arbre qui tombe peut faire beaucoup de bruit ; une forêt en germination ne fait jamais de bruit »


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