Evangile de Jésus Christ selon Saint Jean (11, 1-45)
« Je suis la résurrection
et la vie »
HOMÉLIE (Père Jean-Baptiste Lê)
L’Évangile
de Saint Jean est l’Évangile des signes.
Il y eut un soir, il y eut un matin :
ce fut Cana, premier jour, premier signe, l’eau et le vin, le baptême et l’Eucharistie,
les deux sacrements de l’initiation chrétienne. Tout est dit mais l’heure n’est
pas encore venue.
Il y eut le pain multiplié,
quatrième signe d’un Dieu qui se donne tout entier pour la vie de ceux qu’il
aime.
Il y eut le signe de la lumière. Il
dit : « Que la lumière
soit ! » et l’aveugle naît au jour, la lumière luit dans les
ténèbres. Il y eut un soir, il y eut un matin, jour cinq.
Il y eut un soir, il y eut un matin,
sixième jour. Le miracle de Lazare est le sixième de l’Évangile de Jean.
Nous sommes ainsi au sixième jour
d’une nouvelle création. Le septième sera celui de la mort du Christ, le jour
du grand repos.
Le huitième jour sera jour de Résurrection,
un jour sans fin, un jour éternel.
Le
signe de Lazare inscrit ce que l’histoire humaine porte de plus douloureux. Qui
n’a pas pleuré son Lazare ? Qui n’a pas crié de douleur et d’angoisse
devant un être cher disparu
Je me souviens, il y a quelques
années déjà, un jeune garçon de 8 ans, Paul, participait à l’enterrement de son
grand-père. Il avait beaucoup de chagrin. Il voyait surtout sa maman qui
pleurait.
Au cours de la célébration à
l’église, J’ai lu, à la demande de la famille, le récit de l’évangile que nous
venons d’entendre.
Pendant que je lisais, le visage de
Paul s’est détendu progressivement jusqu’au dénouement où j’ai aperçu un grand
sourire éclairer son visage.
Après la célébration, Paul s’est jeté
aux bras de sa maman : « Dis,
maman, pourquoi Jésus n’est-il pas venu comme pour Lazare ? »
La vérité sort de la bouche des
enfants ! Et Paul avait raison de demander des explications. Où est Jésus
quand nous enterrons un parent, un ami ? Que fait Jésus pour ceux qui
meurent ?
Qui n’en a pas voulu à Dieu d’être
absent quand la vie s’éteint, quand vient la mort ? Qui ne se pose encore
la question aujourd’hui, avec l’épidémie de coronavirus et ses milliers de
morts ?
Décidément,
nous n’avons pas envie de refermer le livre de l’Évangile, ce matin, avant de
comprendre.
Pour
Lazare, Jésus arrive en retard et Marthe et Marie, n’y peuvent rien dans leur
détresse. Marthe, en présence de Marie est la première à lancer au Christ, le
cri de sa prière, une prière sans gêne, au ras du réel : « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas
mort ! »
Et voilà qu’au cœur de leur prière,
elles sont témoins de la souffrance de Jésus, de son émotion. Jésus a mal. Et
Jésus pleure : « Voyez comme il
l’aimait ! »
Mais si les deux sœurs sont témoins
de l’infinie tendresse du Christ, elles sont témoins davantage de son acte de
foi. Avant même que sa prière ne soit exaucée, Jésus rend grâce et c’est alors
qu’il peut affirmer : « Je suis
la Résurrection et la Vie ! »
Et Jésus agit, il fait surgir
l’inattendu, il recrée la vie : « Lazare,
viens dehors ! »
Oui, Jésus est la Résurrection et la
Vie, non seulement parce qu’au terme de notre existence, il nous fera vivre
pour toujours, mais parce que tout au long de notre existence, il nous fait
vivre, vivre vraiment, vivre à plein, il nous fait vivre d’une vie nouvelle.
Oui, Jésus nous crie : « Viens dehors ! » Et cette
parole traverse les siècles. C’est à vous aujourd’hui, c’est à moi qu’il
crie : « Viens dehors ! »
Dans le récit de l’Évangile, il est
dit que, à ces mots, Lazare est sorti, entouré des bandelettes du cadavre.
Nous avons beau être empêtrés de
bandelettes, de nos étroitesses et de nos peurs, ficelés dans la culpabilité,
bâillonnés par notre égoïsme, Jésus nous appelle dehors.
« Sors de toi-même », « sors
de ton péché », « sors de
ta routine » ... Dieu ne cesse de nous appeler à sortir de nos
tombeaux, comme il a ouvert le tombeau de Béthanie.
Car, Lazare, le mort, vivra. Jésus,
le vivant, mourra. Ainsi le signe est donné, comme le code d’entrée dans la
Passion du Christ.
Par
la foi, Jésus a fait revivre Lazare, mais il paiera le prix. Il n’y a pas
d’amour sans risque de mourir : « Il
n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Aujourd’hui, cet amour nous est
confié, il ne peut que passer par nous. Un amour qui nous rend présent à la
détresse du monde. Un amour,
non pas en paroles, mais en actes, dans la vérité de Dieu. L’amour n’a que nos
mains pour panser les plaies de notre monde. Et comment ne pas prier, encore
une fois, pour tous les soignants qui se dévouent auprès des personnes victimes
du covid-19. Eux aussi, comme le Christ, risquent leur vie par amour !
Seuls, les êtres de lumière peuvent
irradier cet amour. Inexplicablement, sans qu’ils le sachent. C’est la seule manière
de rendre à notre humanité un peu d’espoir et d’espérance.
Il n’y a pas d’amour sans risque de
mourir. Jésus ne le sait que trop. Thomas, le Jumeau – donne la clé du
récit : « Allons et mourrons
avec Lui ! »
L’amour à mort est le chemin de Pâques.
En Jésus, Dieu nous aime jusqu’à mourir pour nous sur la Croix. « Je
suis la Résurrection et la Vie ». – Oui, je crois, Seigneur !